Une crise n’est pas l’autre

Caritas International Belgique Une crise n’est pas l’autre

Suite au tremblement de terre qui a touché le Maroc en septembre 2023, Caritas International a lancé un appel limité aux dons. Car les capacités des équipes sur place sont, malheureusement, elles aussi limitées. - © Caritas Maroc

Suite au tremblement de terre qui a touché le Maroc en septembre 2023, Caritas International a lancé un appel limité aux dons. Car les capacités des équipes sur place sont, malheureusement, elles aussi limitées. - © Caritas Maroc

05/10/2023

Pourquoi Caritas International ne lance-t-elle pas un appel aux dons pour les victimes des inondations en Libye ? Et pourquoi n’y a-t-il pas eu d’appel du Consortium 12-12 après le tremblement de terre au Maroc, alors qu’il y en a eu pour les victimes en Syrie et en Turquie ?

Lundi 6 février 2023. Un important tremblement de terre frappe une partie du sud de la Turquie et du nord de la Syrie. Le nombre de morts s’élève à plus de 50.000. En Belgique et dans le reste du monde, les organisations humanitaires entrent immédiatement en action. Caritas International lance un appel aux dons sur son site web, via les médias sociaux et via un courrier à ses donateurs et donatrices. Quelques jours après la catastrophe, le Consortium 12-12 décide également de lancer un appel.

Samedi 9 septembre 2023. Un tremblement de terre au Maroc fait plus de 3.000 morts. De nombreuses victimes sont toujours portées disparues dans les villages difficilement accessibles des montagnes de l’Atlas. Caritas International débloque 50.000 euros et lance un appel aux dons sur son site et via les médias sociaux. Aucun courrier n’est envoyé aux donateurs et donatrices. Le Consortium 12-12 ne lance pas d’appel.

Dimanche 10 septembre 2023. Dans la ville portuaire libyenne de Derna, deux barrages cèdent sous l’effet de violentes tempêtes. 12.000 personnes meurent dans les inondations, des dizaines de milliers de personnes sont toujours portées disparues. Caritas International ne lance aucun appel sur son site web ou via les médias sociaux et n’envoie aucun courrier à ses donateurs et donatrices. Le Consortium 12-12 reste également silencieux.

Une catastrophe n’est pas l’autre, semble-t-il.

Pourquoi Caritas International n'a-t-elle pas lancé un appel massif aux dons pour les victimes du tremblement de terre au Maroc ?

Stéphane Steyt, coordinateur de la récolte de fonds : « À chaque catastrophe qui se produit dans le monde, notre première question est : ‘Avons-nous une équipe Caritas sur le terrain ?’ Si oui : ‘Que pouvons-nous faire pour aider cette équipe ? Dans le cas du Maroc, nous avons effectivement un service sur le terrain mais il s’agit d’un département limité, avec peu d’employés et de bénévoles et moins d’expertise que par exemple en Turquie et en Syrie. Il y a donc des limites à ce que l’on peut y faire. »

« Immédiatement après la catastrophe, mes collègues ont contacté Caritas Maroc pour demander quels étaient les besoins de l’équipe sur place. Caritas Maroc a répondu de manière très précise et notre directeur a décidé de leur transférer immédiatement 50.000 euros. Nous avons également lancé un appel aux dons sur notre site web et via les médias sociaux. Nous avons délibérément choisi de ne pas envoyer de courrier à nos donateurs. En effet, nous courions alors le risque que l’argent collecté dépasse les capacités de notre partenaire local.  Nous avons donc délibérément maintenu la collecte de fonds à petite échelle. »

Si nous promettons à nos donateurs que leur argent ira au Maroc, nous nous engageons à ce que l’argent collecté aille effectivement au Maroc

Stéphane Steyt, coordinateur de la récolte de fonds

Caritas International ne peut-elle pas conserver l'excédent d'argent collecté ? Ou le mettre dans une sorte d’épargne pour les catastrophes futures ?

Stéphane Steyt : « Certaines organisations travaillent de cette manière mais pas Caritas International. Si nous promettons à nos donateurs que leur argent ira au Maroc, nous nous engageons à ce que l’argent collecté aille effectivement au Maroc. Et c’est le cas. Bien sûr, l’argent sert aussi à l’organisation de la campagne de récolte de fonds ainsi qu’à l’organisation de l’aide elle-même. Mis à part ceci, l’entièreté de l’argent collecté va aux victimes de la crise. »

C'est tout de même frustrant, n'est-ce pas ? Une catastrophe d'une telle ampleur, tant de victimes ! 

Stéphane Steyt : « Chaque ONG a sa place. Il y a d’autres pays où Caritas International est davantage représentée, où nous avons beaucoup d’expertise et où nous pourrions donc offrir une aide de plus grande ampleur. C’est le cas en Turquie et en Syrie par exemple. En Turquie, Caritas est une grande organisation qui compte des milliers d’employés. Après le tremblement de terre, nous pouvions vraiment y signifier quelque chose pour les victimes. Caritas Liban est également une très grande organisation, ce qui nous a permis de nous engouffrer dans la brèche après l’explosion dans le port de Beyrouth en 2020. C’est également le cas en Ukraine, bien sûr, mais pas au Maroc. Il y a là-bas d’autres organisations qui peuvent faire plus avec l’argent récolté ».

Sébastien Dechamps, coordinateur de l’aide d’urgence : « Le besoin d’aide dépend non seulement du nombre de morts, mais aussi du contexte. Le Maroc est un État bien organisé, qui compte de nombreuses associations locales et régionales actives. Notre valeur ajoutée est donc assez modeste. Contrairement à la Syrie, par exemple, où le tremblement de terre a frappé une région déjà dévastée par 12 années de guerre, avec des infrastructures brisées, etc. »

Et le Consortium 12-12 ? Pourquoi n'a-t-il pas lancé d'appel pour le Maroc ?

Stéphane Steyt : « Le Consortium 12-12 est composé de 7 organisations humanitaires belges : la Croix-Rouge de Belgique, Médecins du Monde, Handicap International Belgique, Oxfam Belgique, Plan International Belgique, UNICEF Belgique et Caritas International. Lorsqu’un Appel 12-12 est lancé, l’argent est collecté sur un numéro de compte et réparti entre les organisations participantes selon une clé de répartition. Caritas International reçoit environ 9 % du montant collecté. Ainsi, si 10 millions d’euros sont collectés grâce au Consortium, environ 900.000 euros iront à Caritas. »

« Pour lancer une campagne commune, les membres du Consortium doivent répondre positivement à trois questions : les médias belges sont-ils prêts à soutenir la campagne ? L’opinion publique est-elle solidaire ? Pouvons-nous, en tant qu’organisations humanitaires, faire une différence substantielle pour les victimes grâce à cette campagne commune ? Dans le cas du Maroc et de la Libye, nous sommes malheureusement arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas répondre à la dernière condition. »

Nous ne pouvons donc pas collecter de l'argent pour les organisations du Consortium qui sont présentes au Maroc ?

Stéphane Steyt : « Si, mais pas par l’intermédiaire du Consortium. Sur le site web du 12-12, vous pouvez voir quelles organisations sont actives au Maroc et ont besoin d’argent. Vous pouvez faire un don directement sur le numéro de compte de ces organisations. »

Qu’en est-il de la Libye ? Caritas International n'a lancé aucun appel aux dons.

Stéphane Steyt : « Parce que Caritas International n’a pas de partenaires locaux en Libye. »

Pourquoi Caritas est-elle très présente dans certains pays et peu présente, voire complètement absente, dans d'autres ?

Sébastien Dechamps : « La présence ou non de Caritas dans un pays dépend de son contexte sociodémographique. Au Maroc, la communauté catholique est microscopique et se compose essentiellement d’étrangers et d’expatriés. Les possibilités de Caritas y sont donc limitées. En Syrie, il y a une présence historique et très importante de chrétiens, d’églises … Les opportunités y sont donc beaucoup plus importantes. En Libye, la communauté catholique n’est pas seulement petite, elle est aussi menacée dans son existence et sa liberté de mouvement par la guerre civile. Très peu d’ONG sont en mesure d’y travailler. »

Comment décide-t-on de mettre fin à un appel ?

Stéphane Steyt : « Chez Caritas International, vous pouvez toujours continuer à déposer de l’argent pour une catastrophe ou un pays particulier. Vous indiquez alors dans la communication où vous voulez que votre argent soit envoyé. Avec les appels 12-12, c’est différent. Dans ce cas, chaque crise a son propre certificat fiscal qui expire à la fin de l’année. L’appel à la population doit donc être interrompu avant cette date. La plupart des fonds est collectée dans les premières semaines qui suivent la crise. Au bout d’un certain temps, une telle catastrophe est reléguée à l’arrière-plan. Survient alors autre catastrophe. Car c’est ainsi : une catastrophe succède à une autre. »

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