Palestine : En Cisjordanie, travailler au risque de sa vie.

Caritas International Belgique Palestine : En Cisjordanie, travailler au risque de sa vie.

Travailler sur ses champs engendre des risques mortels. © Caritas International

Travailler sur ses champs engendre des risques mortels. © Caritas International

22/07/2024

Les populations palestiniennes en Cisjordanie occupée vivent un véritable basculement sécuritaire et économique depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023. Attaques, expropriations et détresse financière caractérisent le vécu quotidien des communautés de Jénine, une région située au nord de la Cisjordanie. Malgré ces difficultés, l’espoir ne disparaît pas.

Le réseau Caritas travaille depuis dix ans avec les populations palestiniennes des milieux ruraux du gouvernorat de Jénine, au nord de la Cisjordanie. Ces collines et ces plaines recèlent de nombreux témoignages, trop souvent ignorés par les médias internationaux et réduits au silence par l’occupation militaire israélienne.

En juillet 2024, la Cour internationale de justice a reconnu l’illégalité de l’occupation israélienne, tout en admettant qu’Israël mène une annexion des territoires palestiniens et applique une politique discriminatoire envers les populations palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem.

Escalade sécuritaire et dégradation économique

En Cisjordanie occupée, les communautés subissent de plein fouet l’intensification des attaques et des restrictions imposées par les autorités israéliennes depuis octobre 2023.

Les agriculteurs et agricultrices sont régulièrement pris-es pour cible lorsqu’ils et elles travaillent sur leurs plantations. « J’entre dans mes champs à la merci des instructions de ‘tirer pour tuer’ », déplore Mahmoud, qui a déjà essuyé cinq tirs des patrouilles israéliennes depuis le mois d’octobre.

Dans la ville d’Arraba, être voisin de la colonie israélienne de Mevo Dotan est synonyme d’harcèlements, de vols de bétail, d’arrestations et de meurtres. La violence des colons a fortement augmenté ces dernières années, surtout depuis octobre 2023, déracinant des communautés palestiniennes entières autour de la Cisjordanie occupée. L’Union européenne (et la Belgique) continue de poursuivre des relations commerciales avec ces colonies, bien que la Cour internationale de justice ait encore souligné l’illégalité de celles-ci et dénoncé les liens économiques entretenus.

Les familles paysannes de Jénine se voient aussi refuser l’accès à leurs terres pendant des jours sous prétexte sécuritaire. Ces mesures disproportionnées entraînent la perte de saisons agricoles entières, confrontant les populations palestiniennes à une réalité économique exténuante.

Le contexte économique se détériore davantage avec la suspension des permis de travail pour les palestinien-ne-s qui cherchaient un salaire décent en Israël. Dans le village de Faqqu’a, par exemple, 90% des revenus qui provenaient du travail en Israël ont subitement disparu1. L’arrêt du tourisme a également eu un impact important sur l’économie locale.

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Comme Ahmed, des centaines de milliers de palestinien-ne-s ont été privé-e-s de leurs emplois. © Caritas International

Cette situation plonge des centaines de milliers de familles dans une détresse financière. C’est par exemple le cas de celle d’Ahmed qui travaillait sur des chantiers en Israël avant octobre 2023 : « Nos revenus ont été réduits à néant. Ma femme a dû abandonner ses études universitaires en raison des frais élevés. » 

Soutien à l’entrepreneuriat et à l’agriculture durable

Dans ce contexte troublé, Caritas International accompagne les familles afin d’augmenter et de diversifier leurs revenus. Ce soutien se concrétise particulièrement auprès des femmes et des jeunes, au travers de soutiens financiers ainsi que de formations en marketing et en gestion d’entreprise.

Palestine Cisjordanie Guerre Israel Caritas

Maha a reçu un soutien financier de Caritas. © Caritas International

Maha, qui a trois jeunes enfants, a reçu le soutien de Caritas International l’année dernière. « J’ai pu m’acheter une machine pour faire de la purée de tomates et un frigo pour mes produits frais. Mes revenus ont triplé ! Mon corps sent aussi la différence, vu que je ne dois plus presser les tomates avec mes mains. » 

Suite à l’impossibilité de travailler en Israël, la plupart des jeunes ont décidé de retourner à l’agriculture. Cette transition a cependant entrainé une concurrence accrue sur le marché, accentuée par une baisse de la consommation.

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Mohannad est un des agriculteurs “pionniers” du projet de Caritas à Jénine. © Caritas International

La promotion des pratiques agricoles durables permet ainsi aux populations paysannes de s’adapter et d’innover. Mohannad a par exemple décidé de planter des haricots autour de ses oliviers : « Cela permet de fertiliser les oliviers et de produire des kilos d’haricots sains et bio » explique-t-il. Son exploitation est désormais mise en avant comme une source d’apprentissage pour le reste de la communauté.

Le rôle crucial des municipalités et groupes locaux

Des organisations comme Caritas International créent des solutions en collaboration avec les municipalités locales qui font de leur mieux pour soutenir leurs communautés. Elles sont toutefois freinées par le gel des ressources fiscales palestiniennes imposé par Israël depuis octobre 20232.

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Mr Barakat, maire de Marj Ibn Amer. © Caritas International

« Ces contraintes affectent notre capacité à apporter des services essentiels à nos concitoyens, qu’il s’agisse d’être aux côtés des plus vulnérables ou de payer les salaires de nos employés », explique Mr Barakat, le maire de la municipalité de Marj Ibn Amer, qui rassemble plusieurs villages ruraux et excentrés.

Le réseau Caritas soutient la mise en place de « groupes d’action locaux » qui rassemblent des hommes et des femmes issues des diverses localités. Ces groupes soutiennent les municipalités à identifier des personnes vulnérables au sein des villages, à sensibiliser leurs communautés sur les questions environnementales ou d’égalité des genres, mais aussi à organiser des actions de solidarité.

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Les membres du groupe de Marj Ibn Amer. © Caritas International

Ensemble, nous pouvons changer les choses

Malak, membre du groupe de Marj Ibn Amer.

« Nous sommes la nouvelle génération – rarement entendue – mais ensemble nous pouvons changer les choses », rapporte Malak qui fait partie du groupe de Marj Ibn Amer.

« J’ai un seul message pour nos amis en Belgique : arrêtons les massacres à Gaza et surtout n’arrêtez pas de parler de la Palestine autour de vous », poursuit sa collègue Haneen.



1

Selon la Banque mondiale, autour de 300 000 emplois ont été perdus en Cisjordanie depuis octobre 2023.

2

Ces taxes sont collectées par Israël sur les importations et exportations palestiniennes, pour le compte de l’Autorité palestinienne à laquelle elles doivent être normalement reversées.

3

Une version plus longue de cet article est disponible dans la 100ème édition du bulletin de l’Association belgo-palestinienne.

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