Vous attendiez-vous à ce que vous avez découvert sur place ?
Mgr. Johan Bonny : J’avais déjà emprunté l’axe central Damas-Homs-Alep plusieurs fois et logeait chaque fois chez d’autres évêques. La dernière fois que j’ai visité la Syrie, il y a 10 ans, tout était encore beau et paisible. Quelle différence avec aujourd’hui ! Je ne suis pas resté longtemps à Damas, mais à Homs et Alep j’ai vu une dévastation incroyable. Les bâtiments, les voiries… tout est détruit. De plus, la majorité de la population a quitté le pays. De ceux qui sont restés, on ne voit que des mères avec enfants, des jeunes et des personnes âgées. Les hommes sont au front avec l’armée. La population est partie et l’activité s’est quasi totalement arrêtée : le commerce, les entreprises, les transports… tout est à l’arrêt. L’insécurité est palpable. Les gens se demandent à quoi s’attendre de plus. Il faut d’urgence un cessez-le-feu et la paix en Syrie. Mais même après ça : quelles perspectives d’avenir y aurait-il ? Qui reconstruira ce pays ? »
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
Mgr. Johan Bonny : « J’ai vu des kilomètres et des kilomètres de ravages et d’innombrables gravats. Ça vous marque. Mais ce qui, bien plus encore, vous colle à la peau, ce sont les gens. Lorsque, avec Caritas, j’ai visité les quartiers d’Alep, j’ai vu des habitants parcourir ce qui, avant, était leur maison : des ruines, sans fenêtres ni portes. Ils n’ont plus rien. Ils sont dépendants de l’aide humanitaire pour tout : des vêtements, du savon, un matelas à mettre au sol, une couverture pour dormir parce qu’il fait encore très froid. Il n’y a pas d’eau courante, pas d’électricité… Ces rencontres humaines restent présentes très longtemps dans votre esprit. »
« A Alep, je logeais dans la maison d’un évêque local. Un prêtre m’a emmené chez Caritas. L’équipe de Caritas sur place – qui est d’ailleurs constituée surtout de jeunes – m’a, à son tour, emmenée sur le terrain. Caritas y est active dans 7 domaines. »
« Ils apportent de l’aide aux personnes âgées qui n’ont plus de famille sur qui compter. Ils organisent aussi un centre d’aide médical qui suit et soigne les patients et les oriente vers les hôpitaux encore actifs si nécessaire. Caritas a aussi un espace où les étudiants peuvent venir étudier. Ces derniers y reçoivent même une petite somme d’argent afin de pouvoir survivre. Ces étudiants sont avant tout des filles parce que les garçons sont partis à la guerre. Le quatrième axe est l’accompagnement avant et après l’école des enfants. C’est nécessaire parce que leur école et leur maison sont souvent en partie détruites. Caritas aide également à la réparation des maisons : un toit, des portes, des fenêtres. Ensuite, ils soutiennent et accompagnent les enfants traumatisés par la guerre. Et finalement, ils distribuent des biens de première nécessité. »
« J’ai accompagné l’une de ces distributions dans l’Est d’Alep. Ces biens, ce sont des colis alimentaires, du savon, des produits d’entretien, un tapis, des couvertures, du lait en poudre et de la nourriture fraichement achetée par Caritas sur le marché. Ce ne sont pas des suppléments mais de la nourriture de base, dont chaque personne a un besoin vital. J’ai vraiment été touché par le désarroi et l’accablement que je lisais sur les visages des personnes rencontrées. “Nous voilà réduit à ça”, semblaient-ils me dire. Des personnes qui, avant, étaient agriculteurs, sont contraintes de faire la file pour pouvoir manger. Leur désarroi dépasse l’entendement. »
Dans quel état d’esprit êtes-vous rentré en Belgique ?
Mgr. Johan Bonny : « Perplexe. Nous sommes en 2018. Il y a tellement de moyens alloués à la diplomatie internationale et là, une guerre atroce est en cours. Guerre qui implique et concerne tout un tas de nations importantes. Et les citoyens en sont les victimes. Sommes-nous réduits à ceci ? On parle de géopolitique alors que les personnes, sur le terrain, se meurent. J’ai appelé à soutenir Caritas. Le travail ne leur est pas rendu facile, mais ils font tout ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont. Je compatis énormément avec les victimes, les chrétiens et les musulmans qui sont majoritaires. Aujourd’hui, mais aussi dans 20 ou 30 ans, ils en payeront encore le prix. Nous devons nous montrer solidaires. »
Vous pouvez faire la différence pour ces femmes, enfants et personnes âgées restées dans la dévastation en Syrie. Faites un don via notre plateforme de dons en ligne ou par un virement sur le compte BE88 0000 0000 4141. D’avance merci pour votre soutien !