Dans la région du Sahel, un quart des habitants souffre d’insécurité alimentaire. Cela équivaut à plus de 26 millions de personnes, soit plus de deux fois la population belge. De nombreux agriculteurs et agricultrices n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec les denrées alimentaires produites. Plus difficile encore : en vendre une partie afin d’en retirer un revenu sérieux. La région, au-delà d’être touchée par la pauvreté et les crises alimentaires chroniques, est également frappée par le changement climatique. « Nous devons nous adapter à cette réalité, » explique Nicolas Lieutenant, responsable des projets de Caritas International au Niger, « Et nos partenaires sur place sont convaincus que l’agroécologie est la meilleure manière de répondre à ces défis. »
PROTÉGER LES CULTURES AVEC DES PRODUITS LOCAUX ET NATURELS
L’agroécologie a autant que possible recours à des produits locaux et naturels. Pas d’engrais ou de pesticides donc, uniquement des alternatives naturelles. « Asperger les cultures avec des produits chimiques n’est pas seulement cher, c’est également mauvais pour la santé », souligne Nicolas. « Il est par exemple possible de fabriquer un insecticide préventif à l’aide de piments, tabac, savon et margousier[1]. Tous ces produits se trouve facilement sur place ! Le tabac et les piments chassent, voire tuent les insectes. Le savon quant à lui facilite l’imprégnation de toute la plante. ».
©Isabel Corthier – Une terre aride où l’agroécologie fait ses preuves (2018)
« Ce projet concerne principalement la culture de légumes », précise Nicolas. « Celle-ci est en effet complémentaire à la culture des céréales qui dépend de la pluie et ne pousse donc que durant la saison humide. Les légumes, en revanche, peuvent être cultivés à d’autres moment parce qu’ils nécessitent d’être arrosés – par irrigation par exemple – et ne dépendent donc pas de la pluie. Ce projet consiste à planter les légumes après les céréales. De cette manière, l’alimentation obtenue par les agriculteurs est plus diversifiée. En outre, les fruits et les légumes contiennent davantage de vitamines et de minéraux que les céréales. Enfin, cela participe à réduire la migration saisonnière. »
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Changement climatique au Sahel
« Si l’on arrive à limiter le réchauffement de la terre à une moyenne mondiale de 2°C, cela signifie qu’au Sahel, il fera trois degrés plus chaud. Il s’agit en effet d’une moyenne. À certains endroits, la température augmentera moins, à d’autres – comme c’est le cas au Sahel – elle augmentera plus » développe Nicolas. « Et si dans la région du Sahel la température augmente de 3°C, l’eau s’évaporera également plus rapidement. Ça signifie que nous devrons mieux gérer l’eau disponible, par exemple en plantant des arbres afin que leurs racines retiennent l’eau dans le sol. Ainsi, elle reste aussi disponible pour les autres plantes et cultures. Avec cette méthode, nous serons plus à même de résister à la sécheresse. ».
« Il est également important de planter des cultures diverses. L’agroécologie signifie aussi davantage de diversité. En monoculture, les agriculteurs dépendent d’une seule et même culture. Nous répartissons le risque en quelque sorte. De cette manière, les agriculteurs sont moins affectés par le réchauffement climatique qui leur fait encourir toujours plus de risques », précise Nicolas.
©Isabel Corthier
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Certaines sortes de cultures disparaissent
La monoculture est souvent encouragée dans le secteur de l’agriculture industrielle. Lorsqu’ils sèment de vastes champs de maïs, de coton ou de riz, les agriculteurs passent outre les connaissances et pratiques locales basées sur la diversité des cultures. Nous sommes donc de plus en plus limités à un nombre réduit de sortes de cultures pour nous nourrir. Un rapport de la FAO[2] a révélé que le déclin de la biodiversité menaçait sérieusement notre approvisionnement alimentaire.
La diversification est donc essentielle pour une agriculture durable. Qu’il s’agisse d’alternance des cultures ou encore de la combinaison de l’agriculture et de l’élevage ou de l’agriculture et de la foresterie, ces pratiques reposent sur les effets positifs de la biodiversité et de la complémentarité des cultures.
Échanges d’expériences
L’autonomie des agriculteurs/rices est un aspect fondamental de l’agroécologie. Il est important de ne plus dépendre des semences hybrides[3] : « La sélection génétique de ces dernières empêche leur progéniture d’être replantée. Cela force les agriculteurs à acheter de nouvelles semences chaque année, ce qui les rend dépendants de fournisseurs externes et les conduit à s’endetter », explique Nicolas. « D’un autre côté, produire ses propres semences demande une certaine technique et un certain suivi. L’agroécologie demande davantage de travail. »
L’agroécologie présente de nombreux avantages mais elle requiert aussi davantage de recherche, de renforcement des capacités et d’innovation. En outre, certaines techniques simples sont connues à certains endroits et pas encore à d’autres. « C’est pourquoi il importe de procéder régulièrement à des échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les agriculteurs » conclut Nicolas. « Un réseau dans le secteur de l’agroécologie existe déjà. Au travers de ce projet, nous souhaitons le renforcer ».