En 2015, la Communauté internationale a adopté les objectifs de développement durable (ODD), dont le deuxième objectif #FaimZéro s’engage à éliminer la faim d’ici à 2030 et à faire en sorte que chacun ait accès tout au long de l’année à une alimentation saine et nutritive. Malgré une production alimentaire largement suffisante pour nourrir la planète, depuis l’adoption des ODD, la faim augmente. Le nouveau rapport sur l’État de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde[1], publié ce 11 septembre par 5 agences des Nations Unies, révèle une nouvelle augmentation de la faim. De 784 millions de personnes en situation de sous-alimentation chronique en 2015, nous sommes passés à 804 millions en 2016 et 821 millions en 2017.
De plus, les agences des Nations Unies s’inquiètent de l’importante augmentation de l’obésité qui touche aujourd’hui plus d’un adulte sur 8 à travers le monde (18,6 % de la population en Belgique). Et le rapport souligne que la faim et l’obésité coexistent dans de nombreux pays, touchant en premier lieu les familles les plus pauvres, soit parce qu’elles n’ont pas accès à la nourriture, soit parce qu’elles sont les plus exposées à une nourriture de mauvaise qualité, à forte densité énergétique et pauvre en nutriments.
Conflits et changements climatiques
Le nouveau rapport identifie deux raisons principales à la recrudescence de l’insécurité alimentaire : l’augmentation des conflits depuis 2010 et les effets du réchauffement climatique. Ces deux facteurs détruisent les systèmes alimentaires locaux et augmentent la vulnérabilité des populations. Mais au-delà de pointer ces raisons importantes, le rapport ne remet pas en question le système alimentaire mondial qui ne peut répondre à sa fonction de nourrir chacun.e d’entre nous, tout en prenant soin de notre planète.
Changer de modèle
Pour la Coalition contre la faim[2], qui regroupe 22 ONGs belges, la faim n’est pas une fatalité. Mais si on veut atteindre les ODD et réaliser le droit à l’alimentation et à la nutrition pour tous.tes, il est urgent de changer de modèle. Il faut transformer le modèle alimentaire industriel dominant qui, d’une part, est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre et de la destruction de la biodiversité et d’autre part, crée de la pauvreté et de la malnutrition.
L’agriculture industrielle accapare les terres et l’eau dont les communautés rurales dépendent pour leurs conditions de vie, contribuant aux conflits. Face à ce modèle, contrôlé par une poignée de multinationales, il y a plus de 500 millions de fermes familiales, produisant plus de 80 % de la nourriture dans le monde[3]. Pourtant nombreux sont les paysan-ne-s et leurs familles, qui ne peuvent vivre dignement de leur activité. Rappelons que 70 % de ceux qui ont faim, vivent de l’agriculture !
Changer de modèle, c’est opérer une transition vers des systèmes agroécologiques et vers la souveraineté alimentaire ; c’est soutenir l’agriculture familiale durable en prenant en considération les besoins spécifiques des femmes et des hommes ; c’est renforcer les droits des paysan.ne.s ; et c’est mieux réguler les entreprises multinationales pour mettre fin aux abus.
Quelques initiatives vont dans le bon sens au niveau international : les Nations Unies ont décrété une décennie de l’agriculture familiale (2019-2028) ; le Conseil des droits de l’Homme est en voie de finaliser une Déclaration sur les droits des paysan-ne-s et a lancé un groupe de travail sur la mise en place d’un traité contraignant sur le respect des droits humains par les entreprises ; et l’agroécologie commence à s’imposer au sein de la FAO comme le meilleur modèle pour lutter contre la faim, réduire la pauvreté rurale et répondre aux défis du changement climatique
Et la Belgique dans tout ça ?
Face aux enjeux, la Belgique manque d’ambition. Les ONG membres de la CCF ont dénoncé les orientations de la coopération belge en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire adoptée par le Ministre De Croo l’année dernière, qui se détourne du soutien à l’agriculture familiale durable et des populations en insécurité alimentaire pour privilégier l’appui au secteur privé et aux nouvelles technologies comme nouveau paradigme de notre coopération. Une orientation que le ministre entend consacrer dans son nouveau projet de loi sur la Coopération au développement. La Belgique se montre également frileuse à l’adoption de la nouvelle Déclaration sur les droits des paysan-ne-s, dont le vote final aura lieu au Conseil des droits de l’Homme le 27 septembre prochain. Le rapport des Nations Unies nous rappelle l’impératif de changer de cap pour réaliser le droit à l’alimentation pour tous et toutes. Nous invitons le gouvernement à y participer.