Les personnes réfugiées sont les grandes perdantes du nouveau pacte européen - Carte blanche

Caritas International Belgique Les personnes réfugiées sont les grandes perdantes du nouveau pacte européen - Carte blanche

En 2022, près de 110 millions de personnes ont été déplacées par les guerres, les violences ou les catastrophes naturelles.- © Khaled Akacha / Pexels

En 2022, près de 110 millions de personnes ont été déplacées par les guerres, les violences ou les catastrophes naturelles.- © Khaled Akacha / Pexels

20/06/2023

En 2022, près de 110 millions de personnes ont été déplacées par les guerres, les violences ou les catastrophes naturelles. Un chiffre qui dépasse l’entendement. Des millions de personnes ont fui le conflit en Ukraine, ont été déplacées en RD Congo ou encore au Venezuela. Durant cette même année, environ 881.000 personnes ont introduit une première demande de protection internationale dans l’Union européenne.

Fuir et tout laisser derrière soi n’est jamais un choix, mais la seule option possible pour s’assurer un avenir. Le plus souvent, en prenant de nombreux risques et en empruntant des voies de plus en plus dangereuses vers la sécurité. Le naufrage du bateau de pêche surchargé qui a chaviré au large des côtes grecques ce 14 juin en est l’illustration la plus récente et tragique. Il est peu probable que des voies officielles d’accès à la protection mettent un terme définitif à la migration irrégulière, cependant, ces voies sûres sont aujourd’hui déjà presque totalement inexistantes. En 2023, plus de 1.000 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée. Pourquoi tardons-nous à ouvrir de réelles voies d’accès sûres pour les personnes en recherche de protection, comme la réinstallation et les visas humanitaires ? Pourquoi n’appelons-nous pas à un arrêt total des refoulements violents ? Et pourquoi faisons-nous en réalité exactement le contraire ?

Un scénario qui inquiète   

Le projet de réforme du régime d’asile prévoit d’empêcher l’accès au territoire européen pour les personnes en besoin de protection et de les maintenir dans les pays frontaliers pendant l’examen de leur demande, pour les contraindre à un retour rapide. Organiser ce retour d’une manière humaine implique des accords avec les pays tiers. Or ceux-ci font défaut, y compris dans le pacte, ce qui pose le risque de détentions massives. C’est particulièrement inquiétant. Le scénario d’un accueil indigne dans des camps surpeuplés aux frontières extérieures de l’UE est depuis longtemps devenu réalité. Mais tenons-nous vraiment à institutionnaliser le précédent des îles grecques ?

Grâce à une procédure raccourcie aux frontières (pour les personnes provenant de pays dont le degré de protection est inférieur à 20%), il serait possible de distinguer les « vrais » des « faux » réfugiés en 12 semaines. La durée de cette procédure soulève de sérieux doutes, notamment concernant la garantie d’un examen individuel approfondi de chaque demande. Aujourd’hui cela prend des mois, parfois des années. Et l’accord n’apporte aucune garantie crédible.

Face à un tel durcissement et raccourcissement des procédures, une représentation juridique de qualité est essentielle. Pourtant, ici aussi, le bât blesse. Les personnes en demande de protection devront rester en-dehors des frontières de l’Europe pendant l’examen de leur demande d’asile. Elles y auront en principe accès à des informations gratuites sur les aspects juridiques et procéduraux de leur dossier, mais pas nécessairement à une assistance et à une représentation juridiques. Et même si ces droits devaient être inscrits sur le papier, encore faut-il qu’ils soient accessibles dans la pratique.

La tragédie grecque comme modèle ?    

L’exemple grec établi ne rassure pas : migrants et migrantes ont difficilement voire pas du tout accès à des informations sur leur procédure et leurs droits dans une langue qu’ils et elles maîtrisent ou à une représentation juridique. Pour qui se trouve dans un centre de détention, il est quasiment impossible de contester sa situation.

Le nouvel accord bétonne des pratiques dont on sait qu’elles ont des conséquences humanitaires dramatiques. Au sein même de l’Union, nous ne savons que trop bien qu’il est difficile d’exercer des droits qui existent pourtant sur papier. Comment le garantir à nos frontières ?

Les gouvernements européens doivent assumer leurs responsabilités en matière de droit international relatif aux réfugiés, et garantir des procédures d’asile efficaces et un accueil digne. Cela demande à la fois du temps et du courage politique. Ce même courage politique qui a rendu possible la protection temporaire accordée aux Ukrainiens et Ukrainiennes. Rebâtissons sur cette solidarité les bases d’un modèle européen d’accueil, qui garantisse les droits fondamentaux et la protection de toute personne, quel que soit son pays d’origine.

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