EU Passworld : des réussites et des difficultés

Caritas International Belgique EU Passworld : des réussites et des difficultés

Lors de la conférence de clôture d'EU Passworld à Louvain, à laquelle a participé la secrétaire d'État à l'asile et à la migration Nicole de Moor, les parties prenantes au projet en ont fait le bilan. © Caritas International

Lors de la conférence de clôture d'EU Passworld à Louvain, à laquelle a participé la secrétaire d'État à l'asile et à la migration Nicole de Moor, les parties prenantes au projet en ont fait le bilan. © Caritas International

03/10/2024

Lancé en 2022, le projet pilote EU Passworld a permis à des personnes réfugiées hautement qualifiées d’étudier dans de prestigieuses universités européennes. Quels enseignements retenir, tant en positif qu’en négatif ? C’était le sujet de la conférence de clôture d’EU Passworld qui s’est tenue à Louvain les 16 et 17 septembre 2024.

« EU Passworld ? Ce projet a changé ma vie ». Sajeda Khattab (27 ans) est l’une des trois étudiantes réfugiées qui a entamé en 2023 un master anglophone à la KULeuven. Elle était invitée à la conférence de clôture, pendant laquelle elle a participé à une table ronde rassemblant les parties prenantes d’EU Passworld en Belgique, en Irlande et en Italie.

Lorsqu’elle était adolescente, Sajeda a fui la guerre en Syrie avec sa famille. Comme des millions d’autres personnes réfugiées, elle s’est retrouvée en Égypte, où elle est restée pendant 11 ans. « Je n’avais aucun espoir de poursuivre mes études, encore moins dans une université réputée à l’étranger », raconte-t-elle. L’année dernière, elle a obtenu un master en politiques européennes et administration publique auprès de la KULeuven. En parallèle, elle a finalisé sa thèse pour le master en études sur les migrations et les réfugiés qu’elle avait entamé en Égypte. « J’ai donc obtenu deux masters en 2024 », explique-t-elle fièrement.

Une voie migratoire sûre et légale

La KULeuven, en collaboration avec Caritas International Belgique, Fedasil et le HCR Belgique, est l’un des partenaires belges du projet pilote EU Passworld.

Grâce à EU Passworld, des personnes réfugiées qui possèdent les compétences et les qualifications requises peuvent être sélectionnés pour étudier dans un « pays tiers » : en Belgique, mais aussi en Italie et en Irlande. Il s’agit d’une manière sûre et légale de trouver refuge dans un pays de l’Union européenne et d’y obtenir une protection internationale, qu’on appelle un « education pathway ». EU Passworld est financé par le Fonds européen pour l’asile, la migration et l’intégration (AMIF).

Un projet sans nom

EU Passworld est un projet pilote. Il se clôture à la fin de l’année 2024. Mais son esprit – permettre à des personnes réfugiées d’étudier et leur accorder une protection internationale – est appelé à perdurer… sous un nom encore à définir.

« Il est urgent de trouver un nom au successeur d’EU Passworld en Belgique », dit avec le sourire Willem Gordts , coordinateur Intégration chez Caritas International. « Pour l’année académique 2024-2025, trois étudiants ont déjà pu s’inscrire à KULeuven. L’UCLouvain a accueilli pour la première fois quatre étudiant-e-s. Et les universités de Namur et de Liège se sont déjà engagées pour la prochaine année académique. »  

Regarder en arrière pour planifier l'avenir

Les 16 et 17 septembre 2024, Caritas International, la KULeuven, Fedasil et le HCR ont organisé une conférence de clôture du projet EU Passworld à Louvain, sous le titre “Looking back to plan ahead” (Regarder en arrière pour planifier l’avenir). Objectif : évaluer ce qui a bien fonctionné dans le cadre du projet pilote et les aspects qui pourraient être améliorés à l’avenir.

Des groupes d'accueil qui font la différence

Les parties impliquées sont unanimes : les groupes d’accueil pour les étudiant-e-s réfugié-e-s sont un atout majeur pour le projet pilote. Dès l’atterrissage d’un ou une étudiant-e à l’aéroport, un groupe d’accueil se tient prêt à l’aider en cas de questions ou de problèmes, petits ou grands. Ce groupe se compose de volontaires sélectionné-e-s par Caritas International. Ils et elles bénéficient d’une préparation, d’une formation et de conseils de la part de Caritas. « Quand je suis arrivée en Belgique, je ne connaissais littéralement personne », se souvient Sajeda. « Mais les volontaires m’ont aidée dans tous les domaines. Ils et elles m’ont rendu la vie tellement plus facile ici. » 

Caritas International Belgique EU Passworld : des réussites et des difficultés

© Caritas International

Quand je suis arrivée en Belgique, je ne connaissais personne. Je n'avais aucun espoir de poursuivre mes études

Sajeda Khattab, étudiante EU Passworld

De la volonté politique

Les difficultés et les incertitudes sont également nombreuses. Le climat politique en Europe, par exemple. « La volonté politique restera-t-elle suffisante pour accorder des visas aux étudiant-e-s réfugié-e-s et financer leurs études et leur séjour ? », se demande Willem Gordts. « Il y avait un accord pour cette législature, mais nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve sur ce point. » 

Un logement et un emploi de qualité

Les partenaires d’EU Passworld notent également que trouver un kot pour un étudiant étranger ou une étudiante étrangère est particulièrement difficile, dans un marché locatif déjà très tendu. « Heureusement, les étudiant-e-s peuvent compter sur leur groupe d’accueil pour cela aussi », explique Willem. « Ces personnes disposent souvent d’un vaste réseau. » 

L’accès au marché du travail est lui aussi compliqué, malgré le diplôme universitaire. « J’ai deux masters et j’ai travaillé en Égypte », explique Sajeda. « Mais les employeurs exigent une expérience professionnelle dans un pays de l’Union européenne, ce qui n’est pas mon cas. Ce serait super de pouvoir réaliser des stages dans des entreprises européennes. » Willem constate que la langue constitue un obstacle majeur pour trouver un travail. « La plupart des entreprises en Flandre exigent de leurs employé-e-s qu’ils et elles connaissent le néerlandais, en plus de l’anglais. Il est donc indispensable de suivre des cours de langue. C’est pourquoi nous donnons aux nouveaux étudiants et nouvelles étudiantes un cours accéléré de néerlandais durant le mois d’août, avant le début des cours à l’université. »  

Car trouver un emploi de qualité, c’est ce que veulent tous ces étudiants et toutes ces étudiantes. « C’est pour cela que nous faisons tout ça, n’est-ce pas  ?! », dit Sajeda. « Nous sommes impatients de montrer ce dont nous sommes capables. Tout ce que nous demandons, c’est une chance ! » 

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